Quand on pense au canot, on pense d’abord à un moyen de transport ou à un sport. Nous aimons dire à nos clients qu’il s’agit au moins autant d’un miroir. Le canot nous offre effectivement un remarquable portrait de notre capacité à nous unir et à travailler ensemble pour atteindre nos objectifs. Parce qu’on est liés physiquement par l’embarcation, on saisit tout de suite notre interdépendance.
Dix-huit ans de sorties sur l'eau dans le laboratoire de CANU ont permis de mettre en relief de grandes leçons sur le travail d’équipe, dans le sport comme en affaires. Voici un premier article portant sur l'importance du quai.
L’importance sous-estimée du quai
Le premier élément à traiter dans la métaphore du bateau pour aider l'équipe à se reconnaître dans sa réalité d'affaires, ce n’est pas le canot, c'est le quai ! C'est là qu’on évalue l’état des flots et l’état des troupes. C'est au quai qu'on partage les faits, qu'on tient les discussions et qu'on prend les décisions. Ce qu’on fait au quai, c’est un peu comme ce qu’on fait en entreprise dans les rencontres de travail et les rituels de gestion.
La toute première sortie sur l'eau en mode simulation avec des clients, quand je commençais l'aventure CANU en 2007, me pistait déjà sur quelque chose de significatif quant à l'importance du quai. Un participant m'a dit : « Max, j'ai abandonné ! Le bateau allait tout croche et j'ai décidé de mettre la pagaie sur mes genoux parce que ça ne servait à rien de continuer. Lors de notre préparation au quai, on n'avait pas discuté de ce qu’on ferait si ça ne se passait pas comme prévu, alors j'ai arrêté plutôt que de continuer à gaspiller mon énergie dans la mauvaise direction. »

Se parler pour se comprendre
La simulation sur l'eau met en lumière un des plus grands défis des équipes : la communication. Est-ce qu’on se comprend vraiment quand on se parle sous pression? Un écart de compréhension au quai génère systématiquement du chaos dans le feu de l'action, et même le désengagement de certains membres de l'équipe. De manière plus ou moins consciente, l’engagement individuel semble conditionnel à ce que les choses se passent comme chacun pense qu’elles devraient se passer.
Le comportement et l'attitude de l'équipe sur le quai déterminent largement l’expérience qui l’attend quand elle en quittera le confort. Et quand on prévoit que les choses pourraient ne pas se passer comme prévu... l'équipe réussit à devenir agile et à rester engagée !
La stabilisation à l’embarquement
C'est à partir du quai qu'on procède à l’embarquement. Pendant qu’on prend soin de protéger le bateau afin d’éviter qu’il se brise sur le quai ou dans les roches à proximité, on le stabilise pour permettre aux équipiers d’embarquer en sécurité. Il faut se faire confiance. Tout le monde est là? Est-ce que le bateau est stable? Est-ce que le poids est bien réparti? Chacun s’ajuste sur son siège en fonction de l’impact de son poids sur l'équilibre du bateau. On fait des gestes pour se stabiliser et se dégager de l’espace pour manœuvrer avant de prendre le large.

L'embarquement représente bien pour moi les petits gestes en périphérie du comité de direction qui affectent la qualité de présence dans cette rencontre. Dans l'informel, on se dit bonjour, on place nos affaires, on éteint son téléphone (ou pas); bref, on se dépose et on se prédispose pour contribuer au bon niveau à la rencontre. Le premier tour de table pour ressentir l'état des troupes est un peu comme la stabilisation de l'embarcation. C’est une occasion de s’engager ensemble pour l’activité à venir.
3 constats importants sur le leadership à partir du quai
La directivité du leader
Trop de leaders ont tendance à voir leur rôle de leader comme celui qui doit donner une direction et un plan à l'équipe. Cela me frappe à quel point des dirigeants capables de gérer des projets d’envergure sur plusieurs mois peuvent avoir de la difficulté à gérer une conversation de 10 minutes lorsque la pression embarque.
L'absence de plan B
La notion de scénarios est absente de la plupart des exercices auxquels nous assistons dans nos simulations. L'équipe se fait un plan et espère arriver à le livrer. Quand on adopte sans se questionner le plan de celui qui parle le plus fort, il y a peu de chances qu'on ait la qualité de présence requise pour explorer d'autres scénarios en intégrant plusieurs points de vue ou en anticipant qu’il y aura des imprévus.
Prendre pour acquis qu’on a un consensus
Il est facile de présumer qu'on s'est bien compris parce que quelqu’un a demandé « Ça marche, tout le monde? » quand l’équipe était déjà en mouvement… Non seulement on prend pour acquis que tout le monde est d’accord avec le plan discuté, mais on présume aussi que tout le monde a compris la même chose à propos de ce plan.
Ces trois observations pointent toutes dans la même direction et la conséquence peut être énorme dans la vie des équipes de direction : la forme de nos rencontres et de nos interactions s'avère tout aussi importante que le contenu. Il faut s'intéresser à comment on prend la décision autant qu'à la décision qu'on prend.
La forme affecte la qualité de présence. Quand le design de nos interactions est propice à augmenter la qualité de présence et la capacité de s'observer, on améliore drastiquement les chances d'avoir accès au vrai potentiel de l'équipe. On s'assure ainsi de prendre de meilleures décisions et d'avoir accès à la solidarité entre les membres pour mettre en œuvre et défendre les décisions prises.
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